Mozambique : des organisations de la société civile demandent l’annulation de la dette cachée avant que le FMI ne recommence à prêter

mercredi 22 mars 2017

Des organisations de la société civile du Mozambique demandent l’annulation de la dette cachée avant que le FMI ne recommence à prêter au pays. Elles demandent également l’adoption de plusieurs mesures dont la publication des résultats de l’audit des dettes du pays, des mécanismes pour tenir les décideurs responsables de leurs actions et l’imposition de taxes plus importantes sur les mégaprojets dans le pays.

Dans une déclaration signée par 35 organisations au Mozambique, et soutenue par 31 organisations internationales, dont la Plateforme Française Dette & Développement, ces organisations affirment que

« La seule issue face à la crise économique au Mozambique est une plus grande transparence des prêts et emprunts, et s’assurer que tout ajustement repose sur ceux qui ont les moyens de payer, et que le Mozambique ne se retrouve pas piégé par une dette impayable ».

Cette déclaration est publiée au moment où le gouvernement mozambicain doit faire défaut sur l’une de ses dettes cachées. Un audit réalisé par la société américaine Kroll doit prendre fin le 31 mars. Les organisations de la société civile appellent à une publication des résultats de cet audit. Elles demandent également :

  • Un cadre clair pour tenir les leaders politiques responsables si une telle situation venait à se reproduire ;
  • L’engagement de la part du gouvernement et du FMI de ne pas réduire les dépenses du gouvernement sur les services vitaux ;
  • Une stratégie forte et convaincante pour mettre fin aux surdépenses et à la corruption ;
  • Une renégociation des contrats sur les mégaprojets pour s’assurer qu’ils paient tous les impôts qu’ils doivent ;
  • L’annulation ou un allègement significatif de la dette cachée due par le gouvernement.

Parmi les signataires de cette déclaration figurent le Forum sur le budget du Mozambique, le Groupe sur la dette du Mozambique, la Coalition sur la transparence et la justice fiscale et Justiça Ambiental.

Parmi les organisations étrangères soutenant cette déclaration figurent : le Forum et réseau africain sur la dette et le développement (Afrodad) ; le mouvement des peuples d’Asie sur la dette et le développement (APMDD) ; le Réseau européen sur la dette et le développement (Eurodad), ActionAid International et Oxfam International.

La crise de la dette au Mozambique a éclaté après les révélations en avril 2016 selon lesquelles des prêts garantis par le gouvernement avaient été accordés à des entreprises au Mozambique, sans avoir été rendus publics ni votés par le Parlement mozambicain.

La chute des prix des matières premières depuis 2014 a par ailleurs réduit les revenus du gouvernement de moitié, et contribué à une dépréciation du Métical (devise nationale) de 60% par rapport au dollar, et dans le même temps à une augmentation de la valeur de la dette extérieure.

En 2013, les branches londoniennes du Crédit Suisse et de VTB Capital ont permis au gouvernement mozambicain d’emprunter 850 millions de dollars à des spéculateurs internationaux, prétendument pour payer une flotte de bateaux de pêche au thon, à un taux de 8,5%.

Le Crédit Suisse et VTB Capital ont également prêté 1,1 milliard de dollars supplémentaires à l’époque, à l’insu de tous, à deux entreprises appartenant à l’Etat mozambicain. La plus grande partie de ce prêt aurait été dépensée en équipements militaires.

De 2001 à 2014, la croissance économique du Mozambique était l’une des plus rapides du monde. Cela était dû au développement d’une série de méga projets dans l’industrie extractive et l’exportation de ressources pétrolières et minières. Dans un rapport de 2015 , l’organisation anglaise Jubilee Debt Campaign démontrait que cette croissance n’entraînait toutefois pas de réduction significative de la pauvreté, et que la dépendance envers les matières premières rendait le pays vulnérable à toute chute des prix, et risquait de mener à une crise de la dette.

Le premier megaprojet réalisé était une fonderie d’aluminium près de Maputo. Dans un rapport de 2013 , Jubilee Debt Campaign et Justiça Ambiental, avaient dénoncé la manière dont les entreprises et gouvernements étrangers (dont la France) avaient tiré profit de cette usine, tout en bénéficiant d’exonérations d’impôts telles que le gouvernement mozambicain ne récupérait quasiment rien.

En décembre 2015, le FMI a commencé à prêter de l’argent au Mozambique pour permettre au pays de rembourser ses créanciers, tout en maintenant le pays endetté.

Ce n’est qu’en avril 2016 que l’existence des dettes cachées a été révélée par des journalistes d’investigation. Contrairement à ce que prévoit la Constitution du Mozambique, aucun des emprunts n’a été approuvé par le Parlement.
Ces révélations ont conduit le FMI à suspendre ses prêts, puis la Banque mondiale et les pays occidentaux se sont inscrits dans la même dynamique.

La dette du Mozambique est désormais estimée à 11,6 milliards de dollars, soit 93% de son PIB. Sans les prêts du FMI et de la Banque mondiale, cette dette ne peut pas être remboursée.

Dès que l’audit de Kroll sera terminé, les négociations entre le gouvernement du Mozambique, ses créanciers et le FMI sur la restructuration de la dette et de futurs prêts, devraient reprendre. La déclaration des organisations de la société civile au Mozambique est claire quant aux changements importants qui sont jugés nécessaires avant que de nouveaux prêts puissent être accordés.

Déclaration sur les mesures qui doivent être mises en œuvre avant que le FMI recommence à prêter au gouvernement mozambicain, Mars 2017

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