jeudi 29 septembre 2016
Les députés viennent d’adopter, en deuxième lecture à l’Assemblée nationale, un article visant à empêcher la saisie de biens appartenant à des Etats étrangers par des fonds vautours en France. Si elle aboutit, cette disposition permettra de contribuer à la lutte contre ces fonds qui profitent de l’absence de cadre juridique adapté pour acquérir au rabais des dettes de pays en difficulté financière et réaliser des profits exorbitants au détriment des populations de ces pays. Elle n’empêchera toutefois pas les saisies sur la base de titres de dette acquis avant l’entrée en vigueur de la loi, ou de créances sur des Etats en difficulté au Nord qui peuvent également être victimes de fonds vautours . Deux limites qui risquent de nuire à la portée de cette disposition.
Si elle entre en vigueur, cette disposition permettra de limiter les saisies en France, à celles auxquelles ces fonds auraient pu prétendre s’ils avaient participé aux opérations de restructuration de dette décidées par la majorité des autres créanciers. Une manière de priver les fonds vautours de la possibilité de réaliser des profits disproportionnés et de les empêcher de compromettre l’amélioration de la situation d’États fragiles.
Cette disposition fera de la France le troisième pays à se doter d’une législation visant à entraver l’action des fonds vautours, après la Belgique et le Royaume-Uni. Une initiative très bienvenue, compte tenu de l’augmentation du nombre d’actions engagées par les fonds vautours [1] et des difficultés que ne manqueront pas d’engendrer ces fonds dans la résolution des nouvelles crises de la dette qui vont éclater dans les années à venir [2].
Malheureusement, elle ne s’appliquera qu’aux titres de dette de pays à bas revenus ou à revenus intermédiaires et qu’aux créances acquises après l’entrée en vigueur de la loi. Deux restrictions qui limiteront sa portée, puisque des pays comme la Grèce, qui a été la cible des fonds vautours, ne seront donc pas couverts, et que toutes les créances acquises par ces fonds avant l’entrée en vigueur de cette loi pourront faire l’objet de saisies indues en France.
La Plateforme Dette & Développement appelle la France à suivre les recommandations récemment formulées par le Comité consultatif du Conseil des droits de l’homme des Nations unies sur les activités des fonds vautours [3] et à poursuivre son action :
– en s’assurant qu’aucun comportement vautour ne soit toléré sur son territoire ;
– en appelant les autres pays à adopter des législations contre les fonds vautours en s’inspirant du dispositif français et de la loi belge du 12 juillet 2015 [4] et ;
– en soutenant, au niveau international, un cadre juridique permettant un traitement équitable de la dette, prenant en compte les droits fondamentaux des populations et les notions de dette illégitime et de dette odieuse.
Note aux rédactions
[1] Depuis les années 1990, la proportion des différends donnant lieu à une procédure judiciaire est passée de 10% à quasiment 50% (cf. Rapport du Comité consultatif du Conseil des droits de l’homme sur les activités des fonds vautours et leurs incidences sur les droits de l’homme, Assemblée générale des Nations unies, A/HRC/33/54).
[2] Jubilee UK, « The new debt trap », 2015, London, analyse de 40 page disponible en ligne à l’adresse :
http://jubileedebt.org.uk/wp-content/uploads/2015/07/The-new-debt-trap_07.15.pdf
[3] Rapport du Comité consultatif du Conseil des droits de l’homme sur les activités des fonds vautours et leurs incidences sur les droits de l’homme, Assemblée générale des Nations unies, A/HRC/33/54.
[4] Cette loi permet, sous certaines conditions, à un juge belge de limiter le droit au remboursement du « fond vautour » à la valeur que celui-ci a payé pour racheter les titres en question (www.lachambre.be/FLWB/PDF/54/1057/54K1057005.pdf )
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