jeudi 1er juin 2023
La Plateforme Française Dette et Développement (PFDD) est signataire de cette analyse expliquant comment le gouvernement équatorien et les institutions financières impliquées ont présenté le récent échange dette-nature concernant les réserves marines des Galápagos en Équateur comme un test réussi de mobilisation de fonds nouveaux et supplémentaires pour la conservation. En réalité, c’est loin d’être le cas. Cette déclaration représente la position commune des organisations de défense de la dette et de la justice climatique, basée sur une analyse des implications de cet accord sur la souveraineté, la transparence et l’intégrité.
Le 9 mai 2023, le gouvernement équatorien a annoncé en grande pompe le plus grand échange de dette contre nature jamais réalisé. Cet échange permettrait d’économiser 1,1 milliard de dollars sur la dette et de libérer 450 millions de dollars pour la protection des îles Galápagos.
Toutefois, une analyse plus détaillée révèle que cet accord n’est pas aussi bénéfique pour le pays sud-américain qu’il n’y paraît à première vue. Tout d’abord, l’intervention implique divers intermédiaires du secteur privé, dont beaucoup sont liés au secteur financier, notamment la Banque interaméricaine de développement (BID) et la Development Finance Corporation des États-Unis. Ce type de mécanismes de conversion de la dette équivaut à une "financiarisation de la nature et du développement". Ils sont promus par ces acteurs et impliquent des coûts de transaction élevés pour le pays.
Deuxièmement, l’échange dette-nature implique plusieurs transactions, notamment l’émission d’obligations, le rachat, les garanties et les opérations d’assurance, dans des conditions qui ne sont pas transparentes et qui remettent en question le bénéficiaire réel et la réalisation des objectifs environnementaux.
Troisièmement, les décisions relatives à l’utilisation des ressources seront prises par une entité privée créée en dehors de l’Équateur et soumise au pouvoir de décision de parties prenantes privées (le conseil d’administration du Galapagos Life Fund compte 11 membres, dont 6 sont issus du secteur privé et 5 du gouvernement équatorien), ce qui porte atteinte à la souveraineté du pays sur cette importante réserve naturelle.
En résumé, cette transaction financière fait preuve d’un manque d’intégrité et de transparence et porte atteinte à la souveraineté de l’Équateur en matière de viabilité budgétaire et de protection de la biodiversité. En outre, l’accord sur les Galápagos ne prévoit pas de fonds suffisants pour la conservation des réserves marines identifiées et n’implique pas une réduction significative de la dette.
L’utilisation de ce modèle d’échange de dette mal conçu pourrait également présenter des risques et des défis importants pour d’autres pays du Sud, en limitant leur souveraineté et en évitant des solutions plus globales, plus équitables et à plus grande échelle à leurs problèmes d’endettement.
L’échange dette-nature aux Galapagos présente les défis et les risques suivants :
Nous exhortons les institutions financières internationales, les banques régionales, les créanciers et les pays emprunteurs à fonder tout échange dette-nature futur sur les piliers de la transparence, de la souveraineté et de l’équité, en donnant la priorité à l’intérêt public sur le privé, dans un cadre de responsabilité historique de ceux qui ont le contrôle financier et qui sont les plus responsables des événements climatiques extrêmes et de l’érosion de la nature.
Le gouvernement et les autorités responsables de l’Équateur doivent contrôler cette transaction et d’autres qui impliquent des ressources de l’État, afin que les efforts soient orientés vers la garantie d’une conservation adéquate de la nature et d’une transition équitable vers une économie durable et résistante au climat, qui renouvelle le pacte social de l’Équateur sur la base d’un modèle de développement durable.
Au-delà des processus à petite échelle d’échange dette-nature, notre attention et notre action doivent se concentrer sur ce qui est réellement nécessaire pour résoudre les crises de la dette et du climat : une nouvelle architecture financière internationale qui envisage l’annulation/la restructuration de la dette à grande échelle avec la participation de tous les créanciers, et un consensus renouvelé sur la responsabilité des créanciers et des débiteurs. Cette démarche doit s’accompagner d’une augmentation significative des financements publics nouveaux, supplémentaires, inconditionnels et basés sur des subventions.
Preparé par : Latindadd, Eurodad, CDES Ecuador
SIGNEZ ICI : https://bit.ly/deudapornatura
Accueil > Actualités & publications > Les organisations pour la justice climatique et de la dette identifient les (...)