Eliminez les commissions aditionnelles du FMI

vendredi 15 avril 2022

Plus de 150 organisations de la société civile se rejoignent pour dénoncer les commissions additionnelles du FMI : injustes, contre-productives, elles menacent une reprise économique mondiale équitable. Elles doivent être éliminées immédiatement.

Les commissions additionnelles du FMI sont injustes, contre-productives et menacent une reprise économique mondiale équitable. Elles doivent être éliminées immédiatement.

Le 17 janvier, le SGNU Antonio Guterres a lancé un triste avertissement au monde, déclarant qu’« en ce moment critique, nous gravions dans le marbre une reprise déséquilibrée ». Les dernières prévisions économiques confirment ses propos. Le Fonds monétaire international (FMI) prévoit que la croissance du PIB des pays à revenu faible et intermédiaire (hors Chine) en 2024, devrait être inférieure de 5,5 % à la tendance pré-pandémique. Pour les pays à faible revenu, cet écart est de 6,7 %.

L’augmentation des niveaux de dette souveraine est l’un des principaux défis qui menacent la perspective d’une reprise mondiale, équitable et écologiquement durable. Le FMI, la Banque mondiale et l’ONU comptent parmi les voix qui alertent sur la nécessité d’une action urgente face aux risques croissants de défauts de paiement désordonnés. L’augmentation des remboursements de la dette, la hausse des taux d’intérêt et, par conséquent, les contraintes de financement, obligent de nombreux pays du Sud à retirer leur soutien politique à la reprise et à réduire les dépenses vitales de santé et sociales.

À la lumière de cette situation alarmante, nous sommes profondément préoccupés par le fait que le FMI continue de prélever des frais punitifs sur les pays confrontés au surendettement alors qu’ils luttent contre les effets de la pandémie. Le Fonds a ignoré les appels répétés[1] des experts du développement, des groupes de la société civile, des gouvernements et des législateurs nationaux pour revoir d’urgence sa pratique consistant à imposer des commissions additionnelles sur les prêts et envisager sérieusement la suspension immédiate ou l’élimination pure et simple de cette politique.

La politique de commissions additionnelles[2], obligeant les pays ayant des niveaux élevés de dette conventionnelle auprès du FMI à payer des frais supplémentaires onéreux, était déjà manifestement injuste et contre-productive à l’ère pré-pandémique. Dans le contexte de la crise économique et de santé publique mondiale actuelle, les commissions additionnelles sont particulièrement cruelles et contre-productives, et violent la mission principale du Fonds qui consiste à fournir un financement temporaire aux pays « sans recourir à des mesures destructrices de la prospérité nationale ou internationale ».

Comme l’a souligné l’ancien expert indépendant (EI) de l’ONU sur la dette extérieure et les droits de l’homme, Juan Pablo Bohoslavsky, dans une lettre ouverte, cette pratique est une violation du droit international des droits de l’homme, en tant que discrimination contre les États - ne les traitant pas de manière égale sans raison légitime — et n’est pas admissible en vertu du droit international. Les institutions financières internationales doivent veiller à ce que les conditions de leurs transactions ne compromettent pas la capacité de l’État emprunteur à respecter, protéger et remplir ses obligations en matière de droits humains.

Les commissions additionnelles du FMI sont procycliques et régressives. Elles compromettent la reprise des pays confrontés à de graves difficultés économiques, les forçant à utiliser des ressources rares pour faire face à ces paiements supplémentaires, plutôt que de les allouer à des dépenses nationales essentielles, telles que l’achat de vaccins, la lutte contre les inégalités entre les genres, la lutte contre le changement climatique ou le financement de programmes de lutte contre la pauvreté.

Pour mettre cela en perspective, l’Égypte, par exemple, devrait dépenser environ 1,8 milliard de dollars américains en commissions additionnelles entre 2019 et 2024, soit trois fois les 602 millions de dollars américains qu’il en coûterait pour vacciner complètement tous les Égyptiens. En Tunisie et au Pakistan, les commissions additionnelles représentent environ un tiers de l’ensemble de leurs efforts budgétaires dans le secteur de la santé pendant la pandémie.

L’Ukraine, qui devra supporter les impacts humains et économiques de l’agression russe pendant de nombreuses années, devra payer 423 millions de dollars de commissions additionnelles entre 2021 et 2023, soit 25 % de l’ensemble de son effort budgétaire dans le secteur de la santé pendant la pandémie. La nation insulaire vulnérable au climat de la Barbade paiera des millions de dollars de commissions additionnelles plutôt que d’investir cet argent dans l’adaptation au climat.

Ce ne sont que quelques exemples de la façon dont les commissions additionnelles épuisent les dépenses publiques dans les pays qui luttent déjà face aux répercussions de la pandémie et aux crises liées aux inégalités et au climat. De manière alarmante, on peut s’attendre à ce que de nombreux autres pays aient à payer des commissions additionnelles dans les années à venir. Déjà, le nombre de pays en développement confrontés à des commissions additionnelles est passé de 9 à 16 depuis le début de la pandémie. D’ici 2025, le FMI prévoit que ce nombre monte en flèche pour atteindre 38.

Il convient de noter que les gouvernements ne sont pas toujours pleinement conscients de l’existence des commissions additionnelles et qu’elles sont cachées à l’examen du public, car le FMI ne les identifie pas dans ses rapports de notation ou ses états financiers accessibles au public. Les commissions additionnelles ressemblent aux frais cachés que les cartes de crédit facturent aux consommateurs désespérés.

Les commissions additionnelles ont transformé la pandémie en une opportunité de profit pour le FMI, qui a collecté plus de 2 milliards de dollars de commissions additionnelles en 2021, contre 1 milliard de dollars en 2019. Le FMI s’attend à ce que le total de ses revenus de commissions additionnelles dépasse 2 milliards de DTS d’ici 2027. Le Fonds utilise ce revenu pour reconstituer ses propres réserves de capital qui sont déjà nettement supérieures au plancher mandaté par le Conseil.

Le FMI devrait s’appuyer sur des sources de financement plus équitables et moins nocives pour ses encaisses de précaution, telles que de petites contributions en DTS des pays à revenu élevé ou une évaluation actualisée d’une partie des réserves d’or du FMI. Comme l’a observé Joseph Stiglitz, lauréat du prix Nobel d’économie, « les commissions additionnelles vont exactement à l’encontre de ce que [le FMI est] censé faire. Il est censé aider les pays… et non leur soutirer des rentes supplémentaires en raison de leurs besoins urgents.

Le FMI a affirmé dans le passé que les commissions additionnelles incitaient les pays à rembourser leurs prêts par anticipation et limitaient leur dépendance à l’égard du FMI. En fait, étant donné les conditionnalités intrusives attachées aux programmes de prêt et les tensions nationales qu’elles déclenchent généralement, il est très peu probable que les pays choisissent d’emprunter au FMI autrement qu’en dernier recours. Le FMI affirme également que les commissions additionnelles contribuent à réduire le risque de crédit, même si les propres analyses de viabilité du Fonds montrent qu’un fardeau de la dette plus faible est plus susceptible d’assurer un remboursement des prêts en temps voulu. En fin de compte, il n’y a tout simplement aucune justification raisonnable pour imposer des commissions additionnelles.

En juin 2020, la directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva, a déclaré au monde : "nous [le Fonds] soutiendrons nos membres autant que nous le pouvons" pour répondre à la pandémie. Mais facturer aux nations en difficulté des frais nuisibles et inutiles qui violent le droit international des droits humains, ne reflète pas ce sentiment. Nous demandons au Conseil d’administration du FMI de procéder à un examen immédiat de la politique de commission additionnelle, d’assurer la transparence des paiements de commission additionnelle passés et futurs et d’aligner l’institution sur son mandat en soutenant l’élimination complète des commissions additionnelles.

Pour voir les signataires et nous rejoindre c’est ici !

[1] Voir :

https://www.nytimes.com/2022/01/14/business/economy/imf-surcharges.html

https://www.devex.com/news/should-imf-ditch-surcharges-some-economists-and-lawmakers-think-so-102568

https://voxeu.org/article/imf-surcharges-lose-lose-policy-global-recovery

https://www.brettonwoodsproject.org/2021/12/imfs-punishing-surcharges-strain-covid-19-response-and-recovery-efforts/

[2] Voir :

https://cepr.net/report/imf-surcharges-counterproductive-and-unfair/

https://cepr.net/wp-content/uploads/2021/12/CEPR-Surcharges-Fact-Sheet.pdf

https://www.bu.edu/gdp/2021/10/04/understanding-the-consequences-of-imf-surcharges-the-need-for-reform/

https://www.eurodad.org/a_guide_to_imf_surcharges

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