La France doit veiller à ce que les autorités camerounaises assurent la sécurité des représentants de la société civile

mardi 13 septembre 2016

Le 26 juin dernier, dans la nuit de samedi à dimanche, un incendie s’est déclaré au domicile de Jean-Marc Bikoko, le coordonnateur de la Plateforme d’Information et d’Action sur la Dette (PFIAD) qui assure le suivi indépendant du Contrat de Désendettement et de Développement (C2D) que la France a signé avec le Cameroun. Incendie qui, heureusement, a rapidement pu être maîtrisé et qui n’a pas fait de victimes. Aucune enquête n’a à ce jour été dépêchée, malgré la plainte déposée à cet effet par Dynamique Citoyenne, l’une des organisations membres de la PFIAD.

Ce nouvel incident intervient dans un contexte de menaces et d’intimidations à l’égard de Mr Bikoko et de plusieurs représentants d’organisations de la société civile et fait de plus en plus craindre pour la sécurité des militants au Cameroun.

La Plateforme Française Dette & Développement (PFDD) appelle la France, qui vient de signer un troisième C2D avec le Cameroun, à veiller à ce que la sécurité des représentants de la société civile, acteurs essentiels du développement, soit assurée et que l’incendie qui a mis en danger la vie de Mr Bikoko et de sa famille fasse l’objet d’une enquête indépendante. Elle appelle la France à faire pression auprès des autorités camerounaises pour que la sécurité des militants de la société civile ainsi que celle de leur famille soit assurée, au moment où Dynamique Citoyenne, leader de la coalition camerounaise Tournons la Page, s’apprête à organiser le 15 septembre prochain, une conférence de presse à l’occasion de la Journée Internationale de la Démocratie.

Répression, menaces et intimidations

Révoqué de la fonction publique, interpellé et incarcéré à plusieurs reprises en raison de ses activités syndicales et associatives, Jean-Marc Bikoko a souvent été la cible de menaces.

En 2012, le véhicule de service de Mr Bikoko a été attaqué par deux individus qui ont tenté d’y mettre le feu en brisant le pare-brise d’une des portières et en aspergeant les sièges d’essence, après un rallye motorisé organisé par le réseau Dynamique Citoyenne dans la journée du 9 Décembre, à l’occasion de la célébration de la Journée Internationale de Lutte contre la Corruption. Un an plus tard, en décembre 2013, c’est le siège du projet de suivi indépendant du C2D qui a été forcé et a fait l’objet d’une tentative de vol de documents.

Le 15 septembre 2015, alors que Dynamique Citoyenne tenait une conférence de presse à l’occasion de la Journée Internationale de la Démocratie sur le thème « gouvernance électorale et l’alternance démocratique au Cameroun », six membres de Dynamique Citoyenne, dont le point focal national Mr Bikoko, ont été interpelés et incarcérés pendant neuf jours pour « manifestation illégale et rébellion simple ». Depuis lors, le procès qui doit permettre de les juger a été reporté à sept reprises, en raison de l’absence des témoins de l’accusation, de la juge ou du dossier : il est toujours en cours.

Ce procès et ces attaques rendent très difficile le travail des organisations de la société civile camerounaises et font craindre pour la sécurité des hommes et des femmes qui militent sur le terrain pour une société plus juste et pour la démocratie au Cameroun.

Le contrat de désendettement et de développement France-Cameroun
La France a signé avec le Cameroun trois contrats de désendettement et de développement (C2D) pour un total de près d’un milliard et demi d’euros correspondant au refinancement par don de la dette d’aide publique au développement que la France s’était engagée à « annuler » en 1999, en complément de l’Initiative Pays Pauvres Très Endettés (IPPTE). Il s’agit du deuxième plus important C2D, en montant, après celui avec la Côte d’Ivoire. Le troisième et dernier de ces C2D vient d’ailleurs d’être signé fin juin, pour un montant de 611 millions d’euros.

L’objectif de ces C2D, et la raison pour laquelle la France a opté pour ce mécanisme alors que les autres pays ont procédé à des annulations sèches, est de s’assurer que les marges financières dégagées par les annulations de dettes sont fléchées vers la lutte contre la pauvreté et le développement du pays.

Bien qu’émettant des réserves sur le mécanisme C2D qui ne constituait pas aux yeux de la PFDD une véritable annulation de dette, la PFDD s’est tout de même impliquée aux côtés de ses partenaires des sociétés civiles, dans le processus des C2D, pour s’assurer que leurs voix étaient bien prises en compte. La participation effective de la société civile aux instances et au suivi des C2D constitue la condition sine qua non du soutien de la PFDD à cet instrument.

Les menaces et attaques dont la société civile est victime au Cameroun entravent sa capacité à jouer son rôle de manière indépendante et libre dans le développement du pays. Et la France, en tant que signataire d’un C2D avec le Cameroun, a la possibilité et le devoir d’exiger que la sécurité des représentants de la société civile soit assurée et que leur liberté d’action soit garantie. C’est pourquoi la PFDD appelle la France à veiller à ce que :

• L’incendie qui a mis en danger la vie de Mr Bikoko et de sa famille, et pour lequel une plainte a été déposée, fasse l’objet d’une enquête indépendante ;
• Le procès qui a été intenté contre les membres de Dynamique Citoyenne en octobre 2015 et qui a déjà été reporté à sept reprises, aboutisse dans un délai raisonnable à un jugement, afin de ne pas continuer de faire peser sur les membres de Dynamique Citoyenne une pression – notamment financière – injustifiée ;
• La sécurité des représentants de la société civile camerounaise, acteurs essentiels du développement, soit assurée, notamment dans le cadre des activités qui sont prévues le 15 septembre prochain à l’occasion de la Journée internationale de la démocratie.

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